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Catégorie : Littérature
Genre :Pamphlet
Année :1937
Nombre de pages : 436
Nation : France
Auteur :Louis Ferdinand Céline
Synopsis : Céline discute de danse avec Léo Gutman et lui propose de faire jouer à l’Opéra des ballets qu’il a écrit et intitulés : « La Naissance d’une Fée », « Voyou Paul, brave Virginie » et « Van Bagaden-Grand Bellet Mime et quelques paroles ». La discussion dérive sur la société moderne et Céline passe tous les sujets de l’époque : La politique, la place de l’homme dans la société, « la question juive », l’URSS, le cinéma, la littérature, l’art, le surréalisme, l’alcool, le capitalisme, le communisme et la guerre qui approche.
Analyse critique :
(Attention SPOILERS !)
Attention, nous rentrons dans la zone interdite célinienne !... Avec Bagatelles pour un Massacre pamphlet rédigé en 1937.
Un an avant, l’auteur de Voyage au Bout de la Nuitet de Mort à Créditétait déjà passé au pamphlet avec Mea Culpa, une œuvre anarchique pleine de phrases en vrac qui dénonçait le capitalisme, le communisme et surtout le matérialisme qui en découle.
Avec Mea Culpa, Céline est entré dans une nouvelle ère et l’auteur acclamé du Voyage au Bout de la Nuitqui avait inventé le roman moderne, est désormais considéré comme moins fréquentable par l’intelligentsia. On le décrit plus ou moins comme un sombre nihiliste, fou et obscène, qui a un mépris profond pour la nature humaine !...
Pourtant Mea Culpa ce n’était que l’apéro, le premier d’une série sulfureuse de quatre pamphlets.
La seconde pierre sera donc Bagatelles pour un Massacre rédigé en 1937.
Avec ce livre, Céline va littéralement signer son arrêt de mort auprès des classes intellectuelles dominantes de l’époque aussi bien de l’extrême gauche que de l’extrême droite !...
Bagatelles pour un Massacre est le scandale de Céline par excellence !... Celui qui lui a valut d’être exclu des célébrations nationales par le pédophile, pardon le ministre Frédéric Mitterrand qui s’écrasa sous la pression des Klarsfeld. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ce livre est très difficilement trouvable car la veuve de Céline a respecté la volonté de l’auteur de ne pas le faire rééditer. Cela dit, s’il n’y a pas de censure officielle, chaque évocation du livre provoque un tôlé général de même que l’idée d’une nouvelle publication !...
Pourquoi Bagatelles pour un Massacre a-t-il fait couler autant d’encre ?
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Quand on évoque ce livre on parle immédiatement d’un ouvrage « antisémite » et donc « infréquentable ». Qu’en est-il réellement ?
Ce n’est un secret pour personne, Louis Ferdinand Céline était en effet antijuif à 100, que dis-je, à 200% !... Dans Bagatelles pour un Massacre, il ne manque pas de s’attaquer très vivement à la communauté israélite. Mais ce n’est pas tout, il critique également L’URSS, la politique, les français, les humains en général l’art moderne, le consumérisme…
Tout commence avec ces mots : « Le monde est plein de gens qui se disent des raffinés et qui ne sont pas, je l’affirme, raffinés pour un sou. »
Bagatelles pour un Massacre possède le côté entraînant de Mea Culpa. Il en a également conservé le coté anarchique mais en moindre. Si dans Mea Culpa, tout était minutieusement déstructuré, ici Céline garde une certaine « rigueur » malgré le côté délabré.
On passe cependant littéralement du coq à l’âne. L’auteur expose d’abord deux de ses ballets : « La Naissance d’une Fée » et « Voyou Paul, brave Virginie »évoquant un dialogue avec Léo Gutman où il tente de faire s’intéresser ce dernier à ses ballets.
De là, Céline imagine la déviation du dialogue sur la société actuelle et moderne, et c’est là que Bagatelles devient véritablement un pamphlet.
Une introduction originale, il faut le reconnaître.
Le langage du livre est 200 % célinien. Très crue donc !... Et parfois obscène !... On retrouve l’argot si personnel de l’auteur à travers chaque phrase. On note aussi la violence de l’écriture qui est très vive et très incisive. On sent clairement qu’ici Céline se lâche tout entier et balance sans modération tout ce qu’il a sur le cœur !...
La syntaxe est agressive et la ponctuation très marquée avec ce style si cher à Céline qui accompagne un point d’exclamation de trois petits points !... (Vous constaterez que la chronique en est infestée depuis le début). Comme s’il reprenait son souffle tellement il s’était lâché sur chaque phrase exclamative (soit 90% du bouquin).
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Le style est donc très célinien et par la même absolument génial. Bagatelles, c’est plus de 400 Pages qui se lisent comme un verre d’absinthe corsée cul sec.
Mais qu’en est-il du fond ? C’est là où on commence à marcher sur des œufs !...
Si le fond est vivement critiqué par l’intelligentsia, notamment en raison de son caractère antijuif, force est de reconnaître, que le lecteur moderne pourra constater que l’œuvre de Céline était tout de même visionnaire.
Il faudra passer outre le côté délirant, outrancier et caricatural du livre. Mais quand le lecteur s’y penche, il découvre le génie visionnaire de cet ouvrage.
Car Bagatelles pour un Massacre n’est pas qu’antijuif, il est antitout !...
Et c’est ce que je me décide à démontrer à travers cette chronique.
C’est un livre de son temps incontestablement qu’il faut savoir certes resituer dans son contexte d’origine. Mais comme je le disais, une partie du raisonnement de Céline s’applique encore aujourd’hui.
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Le mieux pour le comprendre est de citer directement l’auteur.
Premièrement transparaît ici une farouche critique de l’URSS où Céline avait voyagé l’année précédente. Il avait d’ailleurs déjà critiqué l’Union Soviétique dans Mea Culpa. Ici cependant, il le fait de façon plus constructive :
« Qu'est‐ce qui tue toute la Russie ?... qui massacre ?... qui décime ?... Quel est
cet abject assassin ? ce bourreau superborgiesque ? Qui est‐ce qui pille ?... Mais
Nom de Dieu ! Mais c'est Staline !... »
« Ce qu'on appelle communisme dans les milieux bien avancés, c'est la grande
assurance‐nougat, le parasitisme le plus perfectionné des âges... garanti
admirablement par le servage absolu du prolétariat mondial... l'Universelle des
Esclaves... »
« L'Internationale ouvrière c'est la prestidigitation, l'imposture sociogigantesque
du très grand ancêtre "Marx Brother" le premier de nom... l'Hirsute, pour
arnaquer les cons d'Aryens. »
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Voici quelques citations concernant le régime soviétique. Ici, Céline démontre l’imposture totale de ce régime qui plus que jamais dans l’histoire a coulé la Russie et l’a descendu au plus bas. Il évoque notamment le génocide du peuple russe par le gouvernement. Mais également l’hypocrisie de cette idéologie. Il cite par ailleurs une phrase authentique et parlante de Lénine :
« Le Mensonge n’est pas seulement un moyen qu’il est permis d’employer, mais c’est le moyen le plus éprouvé de la lutte bolchevique ». Lénine
Sur la Russie du communisme, il ajoute :
« La Russie n'est pas le triomphe des travailleurs, mais ne semble être qu'un
gigantesque placement des capitalistes juifs pour leurs propres fins. »
Cette dernière phrase est intéressante puisqu’il fait le lien entre L’URSS communiste et le capitalisme. Est-ce ridicule ? Absolument pas. Bien avant les travaux d’Anthony Sutton, on savait déjà que la révolution bolchevique avait été financée par les banquiers de Wall Street (pour en savoir plus sur le sujet lire le livre Wall Street et la Révolution Bolchevique d’Anthony Sutton). Cependant, il ajoute le terme « juif ». Là encore, au-delà des apparences, son affirmation n’est pas complètement gratuite, puisque la majeure partie des promoteurs du Bolchevisme en Russie étaient juifs (Jacob Schiff, Felix Warburg, Otto H. Kahn, Mortimer L. Schiff, Jerome J. Hanauer, Isaac Seligman, pour ne citer que ceux-là). De même que les principaux leaders et comissaires bolcheviques étaient juifs et c’etait notamment l’une des raisons de l’antisémitisme relatif à cette époque.
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Mais nous en venons donc au sujet tabou du livre : l’antijudaïsme de Céline. Là encore les citations ne laissent aucun doute :
« Ah ! tu vas voir la révolte !...le réveil des indigènes !...Les Irlandais, pendant cent ans, ils se sont relevés toutes les nuits pour étrangler cents anglais qui leur en faisaient pas le quart de ce qu’on supporte, nous, des youtres ! »
« Ils n’en parlent jamais du juif. Le juif est tabou dans tous les livres qu’on nous présente. Gide, Citrine, Dorgelès Serge, etc. n’en disent mot…Ils ont l’air de casser le violon, de bouleverser la vaisselle, ils n’ébrèchent rien du tout. Ils esquissent, ils trichent, ils biaisent devant l’essentiel : Le juif. Ils vont jusqu’au bord seulement de la vérité : Le juif. »
« La seule chose grave à l’heure actuelle, pour un grand homme, savant écrivain, cinéaste, financier, industriel, politicien (mais alors la chose gravissime) c’est de se mettre mal avec les juifs.[…] Faites le clown, l’insurgé, l’intrépide, l’antibourgeois, l’enragé redresseur de torts… le juif s’en fout !Divertissements…Babillages ! Mais ne touchez pas à la question juive, ou bien il va vous en cuire…Raide comme une balle, on vous fera calancher d’une manière ou d’une autre… »
« L’idéal juif, c'est-à-dire à la suprématie de la race juive dans tous les domaines : culturels, matériels, politiques…le juif est dictateur dans l’âme, vingt cinq fois comme Mussolini. La démocratie partout et toujours, n’est jamais que le paravent de la dictature juive. »
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« Toutes les circonlucutasseries, ces servilités canines veulent dire en termes directs : ‘’Attention ! mon petit journaleux, mon petit échotier fragile ! Attention ! Ces individus que tu vois là devant toi, sont autant de juifs ! Fais donc bien gaffe ! Terriblement…Ils appartiennent à la race la plus puissante de l’univers… dont tu n’es de naissance qu’un des domestiques…Ils peuvent pour un mot de traviole te faire virer de ton emploi…te faire crever de faim sans appel…’’
‘’ A quel moment, monsieur le juif, désirez vous que je baisse mon froc ? Aurez-vous la bonté de me mettre ?...’’ »
« Lorsque les français monteront une ligue antisémite, le président, le secrétaire et le trésorier seront juifs. »
« Autre détail pittoresque, notons que sous Philippe-Auguste, les juifs furent propriétaires de la moitié de Paris et furent chassés par le peuple lui-même tellement ils avaient su se rendre odieux par leurs exactions, par leur pratique de l’usure. Ils furent à nouveau bannis sous Philippe le Bel, Charles VI, Louis XII, Louis XIV, Louis XVI finalement, plus faible que ses prédécesseurs, paya de sa tête la résistance des autres rois aux juifs. Pas plus de démocratie, de libération des peuples dans toute cette histoire, en tous points fétide, que de vives truites au Bas-Meudon… »
« C’est parfait. Depuis l’affaire Dreyfus la cause est enterrée, la France appartient aux juifs, corps, bien et âmes, aux juifs internationaux, ils le sont tous, la France est une colonie du pouvoir juif international, toute velléité de chouannerie est condamné d’avance à la faillite honteuse… »
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Comment appréhender donc l’antijudaïsme de Céline ? Le mieux est de s’adresser directement à l’auteur qui en parle lui-même, lisez plutôt :
« J’ai rien de spécial contre les juifs en tant que juifs, je veux dire simplement truands comme tout le monde, bipèdes à la quête de leur soupe…Ils ne me gênent pas du tout. Un juif ça vaut peut être un breton, sur le tas, àégalité, un auvergnat, un franccanaque, un ‘’enfant de Marie’’…C’est possible…Mais c’est contre le racisme juif que je me révolte, que je suis méchant, que je bouille, ça jusqu’au tréfonds de mon bénouze !...Je vocifère ! Je tonitrue ! Ils hurlent bien eux aux racistes ! Ils n’arrêtent jamais ! Aux abominables pogroms ! Aux persécutions séculaires ! C’est leur alibi gigantesque ! C‘est la grande tarte ! Leur crème ! On me retirera pas du tronc qu’ils ont dû drôlement les chercher les persécutions ! Foutre bite ! Si j’en crois mes propres carreaux ! S’ils avaient moins fait les zouaves sur toute l’étendue de la planète, s’ils avaient moins fait chier l’homme ils auraient peut-être pas dérouillé !...ceux qui les ont un peu pendus, ils devaient bien avoir des raisons… On avait dû les mettre en garde ces youtres ! User, lasser bien des patiences…ça vient pas tout seul un pogrom !...C’est un grand succès dans son genre un pogrom, une éclosion de quelque chose…C’est pas bien humainement croyable que les autres ils soient tous uniquement fumiers…ça serait trop joli… »
Cette notion de l’exhibition de la persécution des juifs, Céline y revient plus en détail dans le livre :
« Mais en dépit de tant d’expériences le coup du juif « traqué », « martyr », prend encore toujours, immanquablement, sur ce con de cocu d’Aryen. La petite histoire lamentable du persécuté juif, la jérémiade juive, le « Chaplinisme » le fait toujours mouiller. Infaillible ! […] Seuls les malheurs de juifs le touchent à coup sur ! Le récit de ces « horreurs » le trouve sans méfiance, sans résistance, sans scepticisme. Il avale tout. Les malheurs juifs font partie de la légende…la seule légende d’ailleurs à laquelle croit encore l’Aryen…Suprême miracle !...Quand le volé, le pillard juif hurle au secours, la poire aryenne sursaute d’emblée…blète…chute…dégustation !...C’est ainsi que les juifs possèdent toute la richesse, tout l’or du monde. L’agresseur hurle qu’on l’égorge ! Le truc est vieux comme Moïse…il fonctionne toujours… »
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L’auteur cite également des extraits haineux controversés du Talmud ou encore des citations d’intellectuels ou écrivains juifs racistes envers les non-juifs.
De même, il cite aussi des discours antijuifs de personnalités notables et reconnus (parfois juives elle-même)
Mais bon, pour la faire courte, je n’ai pas vraiment l’intention de m’attarder sur l’antijudaïsme de Céline. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison qu’il n’a rien d’exceptionnel au vu de l’époque. Nombreux étaient les auteurs antijuifs pendant cette période et je ne vois pas pourquoi le cas de Céline en particulier est visé. Mais surtout on trouve des antisémites parmi les plus grands esprits de ce monde et de toutes époques comme par exemple Spinoza, Voltaire, Chateaubriand, Shakespeare, Schopenhauer, les Frères Grimm, Goethe, Dostoïevski, Bloy, Nietzche, Reed, Kant, Marx, Bakounine, Proudhon, Wagner, Jaurès, Henry Ford, Bobby Fisher…pour ne citer qu’eux.
Bien que les juifs soient ici toujours mis en cause par l'auteur, Céline sait aussi s’en prendre aux « aryens »à savoir les européens en général :
« Il n’existe dans la nature que quelques rares espèces d’oiseaux pour se démontrer aussi peu instinctifs, aussi cons, aussi faciles à duper que ces enfiotés d’Aryens… »
« L’Aryen, si simple, si fruste, le juif l’a rendu snob, et soi disant critique, dressé au dénigrement, à la méfiance envers ses frères de race, à la destruction de ses frères de race automatiquement et jamais à la critique de la fantasmagorie juive. L’Aryen n’est plus que le singe du juif. Il fait des grimaces sur commande. De nos jours, le goy le plus obtus, se cabre, se révolte, s’il pressent qu’il pourrait peut être conserver au fond de sa musette quelques petits préjugés de race…Il s’inquiète, il s’angoisse de ne pas être suffisamment à la page, moderne, libéral, international, cosy-corner, démocratique, smoking, politiquement affranchi, c'est-à-dire pratiquement parlant, assez bien orienté assez profondément tenacement par les youtres possédé, tétaré, loti, fourgué, transpiré, négrifié dans chaque poil des sourcils chaque goutte de sperme, chaque morpion, de la tunique de chaque viscère à la granule de son pain…de la coiffe de son calot à la douille qui va le transpercer…jamais assez glué, conchié par les juifs…pour les juifs. »
« Vinasser, ragoter encore, beloter, affûter les panoplies, lancer de nouveaux défis. Voici pour le positif, la vie spirituelle, artistique et morale de l'Aryen complet. »
« Il est temps je crois, Aryens, de faire votre prière, de bien avouer que vous êtes tous condamnés, victime heureuses, consentantes, parfaitement exaucées, bien pourvues transies et reconnai-ssantes… »
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Mais il insistera plus précisément sur le français en particulier :
« Le français en particulier, se détache nettement de l’ensemble aryen, par sa haine irrémissible, inexpiable, pour ce qui, même de loin, lui rappelle quelque lyrisme. Alors, il ne contient plus de fureur obscure ! le sang lui vient aux yeux…Quelle faillite…Quel abêtissement ! Depuis les cavernes…Quelle déroute ! Quelle ignoble involution dans l’inertie et dans la chiasse… »
« La France est une colonie juive, sans insurrection possible, sans discussion, ni murmure… Il faudrait pour nous libérer un véritable Sinn-Finn…un instinct de race implacable…mais nous n’avons pas la « classe » des Sinn-Finners !... Beaucoup trop enfiotés, déjà avinés, avilis efféminés, enjuivés, maçonnisés, mufflisés de toutes les manières. Des chancres pourris d’alcool et toujours plus avides rongeurs rongés. Atroce !»
« Oser ? le Français moyen ? avouer, faire entendre, directement, qu'il n'aime pas
les Juifs ? le racisme juif ? la gigantesque escroquerie juive ? c'est, se faire
classer irrémédiablement, à l'instant même, parmi les plus infréquentables
fieffés cancreux tardigènes, absolument irrespirables, de l'univers ! »
« Rien n'est plus odieux de nos jours, humainement plus odieux, plus humiliant
que de regarder un Français moderne dit lettré, dépiauter narquoisement un
texte, un ouvrage... n'importe quelle bête à côté possède une allure noble,
pathétique et profondément touchante. Mais regardez ce bravache grelot si
indécent de suffisance, obscène de muflerie fanfaronne, d'outrecuidance butée,
comme il est accablant... Que lui expliquer encore ? lui répondre ?... Il sait
tout !... Il est incurable ! S'il a obtenu son bachot alors il n'est même plus
approchable. »
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On notera aussi que l’auteur n’est pas tendre avec la gente féminine :
« Les femmes, tout aussi alcooliques que les hommes, sont encore si possible un
peu plus abruties que les hommes... par les ragots interminables, leur
mesquinerie délirante "ménagère", "l'espionnite des bignolles", la rage,
l'hystérie de tout médiocriser, de tout juger, de tout ravaler au plus bas, encore
plus bas, de plus en plus bassement, toute parole, tout inconnu, toute œuvre,
tout lyrisme, tout mystère, sauf la merde bien entendu, la magnifique merde
juive, dont elles raffolent et se régalent encore plus effrénément, plus
aveuglément que les hommes... »
Outre des catégories ou des groupes de personnes, Céline s’en prend à plusieurs idéologies ou disciplines. On a déjà parlé de sa critique féroce du communisme, mais il évoque aussi le capitalisme et la Finance. Il s’en prend notamment au consumérisme :
« Comment le plus infime crétin, le canard le plus rebutant, la plus désespérante
donzelle, peuvent‐ils se muer en dieux ?... déesses ?... recueillir plus d'âmes en
un jour que Jésus‐Christ en deux mille ans ?... Publicité ! Que demande toute la
foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l'or et devant la
merde ! »
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Pour Céline, cette notion de consumérisme rejoint au final celle de dépravation et il prend l’alcoolisme pour illustrer ce fait :
« Moyenne annuelle dépensée dans quelques pays, par habitant, par an, pour
l'achat de livres (seule base, de comparaison possible)
États‐Unis: 25 francs par tête.
Allemagne: 20 francs par tête.
Grande‐Bretagne: 10 francs par tête.
Belgique: 3 fr. 50 par tête.
France: 0 fr. 50 par tête.
Voici qui nous comble! Et qui vient le plus simplement du monde, révéler à nos
yeux toute la crudité du problème, pourquoi notre fille est muette, et comment
le Français se fout éperdument du livre! Dans son ensemble et son particulier...
Rien à chiquer, noir sur blanc. »
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« La France est le pays le plus fort consommateur d'alcool du monde... 21 litres
300 d'alcool pur, taxé par tête d'habitant... par an...
C'est bien simple, aucun nordique, aucun nègre, aucun sauvage, aucun civilisé
non plus n'approche et de très loin le Français, pour la rapidité, la capacité de
pompage vinassier. Seule la France pourrait battre ses propres records de
vinasse, ses descentes de picton. Ce sont d'ailleurs à peu près les seuls records
qu'elle puisse battre. Mais dans cette épreuve "Hors Concours", "Prima Classa".
Aux autres sports, de muscles, de souffle, le Français se ménage, il se
réserve... Il ne se montre jamais très ardent, très en train. Lui si brillant dans
la vie, sur les stades il ne brille plus... Que le Français haïsse la lecture ? Cela
peut fort bien se comprendre, se défendre et même devenir à tout prendre une
aimable originalité... »
« Le Français est actuellement le seul être vivant sous la calotte des cieux,
animal ou homme, qui ne boive jamais d'eau pure... Il est tellement inverti
dans ses goûts, que l'eau lui paraît à présent toxique... Il s'en détourne, comme
d'un poison. »
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Mais au final, Céline démontre avant tout que Capitalisme et Communisme sont les deux faces d’une même pièce, répondant au même internationalisme cosmopolite. En ce sens, il en arrive à la conclusion de beaucoup d’autres penseurs (Bakounine pour ne citer que lui). Il cite d’ailleurs la phrase d’un intellectuel juif dans un journal juif :
« Tout ceci colle, concorde, je le pense admirablement avec les événements en cours. Le Juif Blumenthal était donc dans son plein droit, en écrivant pour qu'on le sache, dans le "Judisk Tidskrift " (No 57, année 1929):
‘’Notre race a donné au monde un nouveau prophète, mais il a deux visages et porte deux noms, d'un côté son nom est Rothschild, chef des grands capitalistes, et de l'autre côté Karl Marx, l'apôtre des ennemis du Capitalisme.’’ »
L’auteur entend donc démontrer que toutes les idéologies dominantes vont dans le même sens poussées par des dirigeants corrompus, à la solde de l’oligarchie :
« Mais Staline n’est qu’un exécutant des basses-œuvres, très docile, comme Roosevelt ou Lebrun, exactement, en cruauté. »
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Céline s’en prend également à l’Art et notamment au surréalisme qu’il démonte à merveille :
« La cause me paraît entendue, Renaissance, naturalisme, objectivisme, surréalisme, parfaite progression vers le robot »
« Les peuples toujours idolâtrent la merde, que ce soit en musique, en peinture,
en phrases, à la guerre ou sur les tréteaux. L'imposture est la déesse des foules. »
« Les bons rêves ne s'élèvent que de la vérité, de l'authentique, ceux qui naissent
du mensonge, n'ont jamais ni grâce ni force. Qui s'en soucie ?... Le monde n'a
plus de mélodie. C'est encore le folklore, les derniers murmures de nos
folklores, qui nous bercent... Après ce sera fini, la nuit... »
Sur l’art, il en vient évidemment à celui qu’il pratique, à savoir la littérature :
« Ils en ont foutrement jamais eu de style ! Ils en auront jamais aucun ! Le
problème les dépasse de partout. Un style c'est une émotion, d'abord avant tout,
par‐dessus tout... Ils ont jamais eu d'émotion... donc aucune musique. Se
rattrapent‐ils sur l'intelligence ?... Ça se verrait. »
Il Tacle également le cinéma hollywoodien.
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Durant ces lignes, vous aurez constaté que j’ai laissé la parole à Céline sans forcément décrire plus en avant le contenu. Je pense que les citations sont assez évocatrices. Mais pour résumer, Céline dresse ici un constat sur une France en déclin et en perte d’identité culturelle et nationale. C’est assez drôle venant de la part d’un auteur d’abord perçu dans le courant libertaire et anarchiste.
On a, suite à ce livre, argué que Céline était devenu un auteur fasciste et nationaliste. Honnêtement je ne pense pas que Céline se soit préoccupé d’appartenir à un courant politique. Son constat correspond simplement à sa vision.
Mais ce qui transparaît surtout ici, c’est l’annonce de la seconde guerre mondiale :
« La prochaine guerre on peut prévoir, ça sera trois frontières à la fois, et des badoures ! Des formidables ! Pas des petites ! Des immenses ! Je vous la souhaite belle et guillerette ! Enfants des héros ! Fils des Gaules…Allemagne ! Espagne ! Italie ! Ceux qui savent creuser, creuseront ! Jamais tant de tranchées, si profondes ! Si larges ! Si longues ! N’auront englouti tant d’hommes à la fois ! Pour l’immense gloire d’Israël ! Pour l’idéal maçonnique ! Pour la vengeance des petits juifs virés des bonnes places germaniques ! »
« Que veulent‐ils les Juifs ? par derrière leur baragouin socialistico‐communiste ?
Leur carnaval démagogique ? Toute cette escroquerie infernale ? que veulent‐ils
? Qu'on aille se faire buter pour eux, que ce soit nous qu'on reprenne leurs
crosses, qu'on aille, nous, faire les guignols devant les mitrailleuses d'Hitler. Pas
autre chose! »
C’est pourquoi, cela prouve une fois encore, qu’on a bien affaire ici au même auteur que celui du Voyage au Bout de la Nuit. Bagatelles pour un Massacre, est également et paradoxalement empreint de pacifisme. C'est un cri de rage contre le terrible conflit qui se prépare en Europe.
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Céline n’est pas un idéologue politique propagandiste, c’est un libre penseur qui exprime donc son point de vue :
« Je ne suis pas le cagoulard n°1, je ne suis pas payé par Goering. Ni par Musso ni par Tardieu !... Ni même par monsieur Rothschild ! (Tout est possible) je ne suis payé par personne…je ne serais jamais payé par personne. Je ne veux fonder aucun parti. Je ne veux pas monter sur l’estrade. Je ne veux dominer personne, je n’ai pas besoin d’argent. Je n’ai pas besoin de puissance. Vraiment je n’ai besoin de rien. Mais je suis chez moi, et les juifs m’emmerdent et leurs manigances me font chier, je le dis tout haut, à ma manière…Comme je le pense. Repos. »
Bagatelles est au final un pamphlet anti-tout qui donne l’impression d’une chute qui se terminera forcément par l’horreur absolu.
Aujourd’hui, on peut relire cet ouvrage en le resituant dans son contexte, pourtant, difficile de ne pas y voir une analogie avec notre société actuelle.
Avec Bagatelles pour un Massacre, Louis Ferdinand Céline signe une prise de conscience. La prise de conscience d’un homme inquiet pour son pays et le monde dans lequel il vit. Un monde qu’il voit s’engouffrer dans une guerre terrible. Un pays qu’il voit s’enfoncer de plus en plus en raison du reniement de son identité, de sa culture et de son peuple. Une société d’effondrant sous les assauts du matérialisme, de l’antipatriotisme et de l’individualisme. Bagatelles Pour un Massacre c’est le cri de révolte pour échapper à l’horreur de la seconde guerre mondiale et à la destruction de l’Europe !
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Et c’est ce cri qui lui vaut sans doute plus que tout autre chose d’être banni par un système actuel qui s’acharne de plus en plus à détruire le continent européen.
Lorsque Céline s’est retrouvée banni des célébrations nationales, on a constaté deux choses. Premièrement, le fait qu’on renie son génie pourtant établi depuis des années. Mais le second élèment, c'est sa défense. En effet, ses défenseurs officiels ont clamé qu’il fallait distinguer l’homme de l’artiste. « On peut être un génie et un salaud à la fois » ont-ils dit. Nous expliquant que Céline, c’était docteur Jekyll quand il rédigeait Voyage au Bout de la Nuit et Mister Hyde quand il écrivait Bagatelles pour un Massacre.
Bien piètre moyen de défense qui n’émouvra ni les fans, ni les détracteurs. Car aussi bien les uns que les autres savent qu’il n’y a et qu’il n’y aura toujours pour l’éternité qu’un seul Céline ! Le même esprit génial qui a donné naissance au Voyage au Bout de la Nuit et àBagatelles pour un Massacre. Un esprit qui nous met en garde contre une guerre imminente.
Tel est le message de ce livre. Si nous ne cessons pas de vivre de bagatelles, alors nous irons au massacre.
La rage de Céline vient avant tout d'une peur de voir le monde de nouveau plongé dans un conflit mondial.
Evidemment vous aurez ependant compris que cette oeuvre subversive est difficillement notable. Malgré les polémiques qui l'entourent Bagatelles pour un Massacre reste une oeuvre phare à lire pour comprendre l'histoire européenne du XXème siècle.
Note : -